Catherine de Maraise : une femme d’affaires au XVIIIe siècle

En 1767 la manufacture de toiles imprimées de Jouy était en plein essor. La société émergeait d’un long imbroglio judiciaire, des bâtiments adaptés venaient d’être construits, les commandes affluaient et la production augmentait. A sa tête, deux associés : Oberkampf était le technicien, Joseph  Alexandre Sarrasin de Maraise avait apporté les capitaux, les connaissances juridiques, et les relations. Mais il peinait à assumer le poids croissant de la gestion, l’entreprise avait besoin d’un bon comptable. Et il avait 42 ans, une épouse serait bienvenue, qui animerait la vie de société. On trouva l’un et l’autre en la personne de Marie Catherine Renée Darcel, fille d’un négociant rouennais avec qui Oberkampf était en relations commerciales, et qui avait été instruite en famille à la pratique des écritures comptables. Le mariage, auquel Oberkampf fut témoin, fut célébré à l’église Saint Michel de Rouen, le contrat avait été signé la veille. Mme de Maraise se révéla une véritable femme d’affaires et une femme du monde (elle invitait Necker et d’autres à dîner, assista en 1773 à Versailles au mariage du comte d’Artois), ceci malgré huit maternités attentivement assumées. C’était elle l’amie et l’associée d’Oberkampf, et depuis les bureaux installés à Paris, la gestionnaire de l’entreprise ; elle forma elle-même ses aides comptables.

Ses conseils d’amie allèrent jusqu’à un rôle de marieuse : c’est elle qui présenta à Oberkampf sa première épouse, Marie Louise Pétineau, pressentie initialement pour son frère Frédéric, épousée en 1774. C’est-elle aussi qui avec tact mais fermeté négocia la rupture de la société, enclenchée en 1787 au grand regret du couple de Maraise. Elle garda les livres comptables de son bureau parisien…

Le couple de Maraise habitait Paris, et avait acquis une maison de campagne près de Nangis ; mais il venait souvent à Jouy ; Mme de Maraise y séjournait aussi pour assister Mme Oberkampf pendant les absences de son mari. Pendant lesquelles elle continuait à lui donner des conseils, en même temps que des nouvelles, dans une abondante correspondance.

« un fameux femme » déclarait dans son français hésitant un ouvrier compagnon d’Oberkampf…