Christophe Philippe Oberkampf : créateur de la Manufacture des Toiles de Jouy

Christophe Philippe Oberkampf est né à Wiesenbach dans le Wurtemberg, d’une lignée de teinturiers ; installé en Suisse avec son père, il apprit le métier de coloriste et de graveur. En 1758,âgé de 20 ans il partit tenter sa chance à Mulhouse puis Paris pour travailler dans une manufacture de toiles imprimées ; deux ans plus tard il vint s’installer avec son frère à Jouy-en-Josas dans la Maison du Pont de Pierre ;

ils y produisirent leur première toile imprimée le 1er mai 1760. Grâce à son savoir faire et à celui de quelques compagnons suisses alémaniques venus le rejoindre à sa demande, le succès immédiat de ses toiles imprimées l’incita à s’agrandir et à passer à l’échelle industrielle. Ses compagnons et lui formèrent la première implantation de protestants à Jouy-en-Josas.

Patron omniprésent, avisé, pragmatique, novateur, Oberkampf veillait à tout et particulièrement à l’amélioration des techniques d’impression, à la mécanisation de certaines tâches et au développement de sa manufacture. Egalement soucieux de son approvisionnement en toiles de coton il fit construire sur la commune de Corbeil, à Chantemerle, une grande filature opérationnelle en 1809.

Si la réussite matérielle fut au rendez vous, sa vie familiale ne fut pas exempte de peines : A l’âge de 36 ans il se maria en 1774 avec Marie Louise Pétineau, d’une famille calviniste ; de leurs quatre enfants seule Julie parvint à l’âge adulte, son époux Louis Feray fut intégré dans l’entreprise. Marie Louise décéda en 1782 âgée de 31 ans seulement. Oberkampf se remaria trois ans plus tard avec Elisabeth Massieu qui lui donna quatre enfants, le premier fils décéda à 16 ans. 

Étude par L.Boilly. Le tableau final de 1802 ne figure pas l’épouse et ses fillettes — Musée de la Toile de Jouy

Oberkampf se chargea de la formation de ses jeunes beaux-frères, ainsi que de ses six neveux Widmer, qui intégrèrent les uns après les autres l’entreprise. 

Les six frères Widmer, gravure d’après Boilly

Quel parcours pour cet immigré ! Naturalisé en1770, il reçut en 1787 le titre de noblesse d’écuyer et des armoiries faire lien blason 16. Sous la Révolution il fut le premier maire de Jouy-en-Josas de 1790 à 1793 et fut décoré de la Légion d’Honneur, dans sa manufacture, par Napoléon Ier en 1806.

Gouache de Pietro Mancion repris d’Isabey

Il reçut des hôtes célèbres,  le nonce du Pape, Marie-Antoinette et la famille royale, les impératrices Joséphine et Marie-Louise. Il accueillait des savants, Monge, Laplace, Lagrange, Chaptal, Gay-Lussac, et un confrère anglais,  qu’intéressait la chimie développée dans le laboratoire de la manufacture par son neveu Samuel Widmer. 

Plan terrier de Jouy 1765, détail

Très affecté par la baisse des affaires et les dommages dus à la guerre, Oberkampf décéda en 1815 âgé de 77 ans dans sa maison pendant l’occupation de Jouy par les troupes prussiennes.

Après sa mort, son fils Emile dirigea la manufacture en société « Oberkampf les héritiers », puis associé à son cousin Samuel Widmer ; au décès de celui-ci en 1821, il s’associa en 1822 avec Barbet de Jouy puis lui céda l’entreprise.

L’actuelle Mairie de Jouy, dernier témoin bâti de la manufacture d’Oberkampf, était son habitation : l’aile sud, terminée en 1765 du bâtiment en V abrita à la fois son logement et le siège social de sa manufacture ; Oberkampf y avait son bureau où étaient prises les décisions techniques et commerciales. Son salon reçut des musiciens de la Chapelle du Roi ainsi que des poètes.  Au dessus des ateliers de l’aile nord, actuellement disjointe, un niveau d’habitation fut ajouté en 1806 pour loger le ménage de Samuel Widmer.

En 1899 le Baron Cabrol de Mouté, propriétaire de l’aile sud, la vendit à la municipalité qui en fit la Mairie ; elle a été agrandie en 2007 par un bâtiment moderne.

Voir les cahiers n°20 et le hors série n°1

Voir le site du Musée de la toile de Jouy